Depuis la mi-novembre nous avons scruté avec attention les gravières de nos ruisseaux affluents de la Lesse dans l'espoir de pouvoir identifier des nids de ponte ou des géniteurs en migration. Alors que peu après nos derniers travaux d'aménagements de frayères nous avions pu observer des poissons résidents de toutes tailles, y compris des géniteurs potentiels, depuis que l'hiver s'est installé ces observations se sont révélées très rares. Bien qu'en théorie la probabilité que les truites aient retardé leur migration de reproduction n'est pas négligeable, en effet selon la littérature celle-ci peu se prolonger jusqu'en mi-février, il serait dommage que nos deux ruisseaux ne soient pas encore utilisés pour la reproduction cette année encore.
A-t-on raison de s'inquiéter et quels postulats pouvons-nous émettre pour expliquer cette situation ?
1) Facteurs liés au climat et aux débits des ruisseaux
Depuis le début novembre seulement deux crues sensibles ont été observées. La première début novembre, probablement tôt pour la saison, et une autre mi-décembre correspondant à une courte période de dégel. Facteur constant au cours de cette période: une température d'eau autour des 4 oC. Des eaux de neige encore plus froides pour la deuxième crue…
Cette température n'est pas favorable aux migrations saisonnières des truites car elles induisent un ralentissement au niveau du métabolisme et diminuent la capacité de mobilité (vitesse et endurance) de celles-ci.
Se pourrait-il dès lors que les truites aient choisi de se reproduire dans la Lesse plutôt que dans les ruisseaux. Ces facteurs (température et débit) sont-ils prépondérants ou ce choix est-il influencé par la génétique?
2) Facteurs liés à l'espèce ou à un caractère génétique
Alors qu'il est établi que les ruisseaux affluents assument un rôle prépondérant dans la mise à disposition d'un substrat adéquat pour la reproduction de la truite fario en haute Lesse, avec pour preuve les chiffres de fréquentation et statistiques diverses obtenues à la station de comptage sur le Ry de Chicheron, beaucoup de spécialistes affirment aussi que de nombreux poissons choisissent le lit majeur de la Lesse pour y frayer. Si des gravières propres sont disponibles dans la rivière pourquoi les truites remonteraient-elles les ruisseaux pour frayer? C'est probablement ici que l'influence de la génétique devient prépondérante. Si la truite est née dans le ruisseau elle y retournera pour frayer. Reste à savoir si le poisson est de souche sauvage ou de souche "pisciculture", en admettant que ces sujets soient aptes à se reproduire en milieu naturel. Chaque fois que cette question est abordée je me remémore les conclusions d'une étude (voir ref. ci-dessous) sur la rivière Avon au Royaume-Uni. Celle-ci a conclu que les sujets issus de pisciculture fréquentaient sélectivement les frayères dans la rivière Avon tandis que les sujets sauvages choisissaient le ruisseau affluent, Nine Mile River, pour se reproduire. Fait étonnant: une répartition temporelle est observée entre les sujets issus de pisciculture qui se reproduisent en novembre et les sujets sauvages qui frayent plus tard en janvier voire février.
L'analogie avec la Lesse est hasardeuse car la rivière Avon est du type "chalkstream", alimentée essentiellement par des sources calcaires, avec une eau à pH élevé et des débits plus lents.
La population sauvage issue de nos ruisseaux est probablement toujours affaiblie et en cours de reconstitution. Les alevins produits par nos incubateurs sont-ils devenus des sujets "sauvages" et reviendront-ils se reproduire dans nos ruisseaux ou resteront-ils dans la rivière pour frayer comme les truites issues de repeuplement observées dans l'Avon?
A-t-on raison de s'inquiéter et quels postulats pouvons-nous émettre pour expliquer cette situation ?
1) Facteurs liés au climat et aux débits des ruisseaux
Depuis le début novembre seulement deux crues sensibles ont été observées. La première début novembre, probablement tôt pour la saison, et une autre mi-décembre correspondant à une courte période de dégel. Facteur constant au cours de cette période: une température d'eau autour des 4 oC. Des eaux de neige encore plus froides pour la deuxième crue…
Cette température n'est pas favorable aux migrations saisonnières des truites car elles induisent un ralentissement au niveau du métabolisme et diminuent la capacité de mobilité (vitesse et endurance) de celles-ci.
Se pourrait-il dès lors que les truites aient choisi de se reproduire dans la Lesse plutôt que dans les ruisseaux. Ces facteurs (température et débit) sont-ils prépondérants ou ce choix est-il influencé par la génétique?
2) Facteurs liés à l'espèce ou à un caractère génétique
Alors qu'il est établi que les ruisseaux affluents assument un rôle prépondérant dans la mise à disposition d'un substrat adéquat pour la reproduction de la truite fario en haute Lesse, avec pour preuve les chiffres de fréquentation et statistiques diverses obtenues à la station de comptage sur le Ry de Chicheron, beaucoup de spécialistes affirment aussi que de nombreux poissons choisissent le lit majeur de la Lesse pour y frayer. Si des gravières propres sont disponibles dans la rivière pourquoi les truites remonteraient-elles les ruisseaux pour frayer? C'est probablement ici que l'influence de la génétique devient prépondérante. Si la truite est née dans le ruisseau elle y retournera pour frayer. Reste à savoir si le poisson est de souche sauvage ou de souche "pisciculture", en admettant que ces sujets soient aptes à se reproduire en milieu naturel. Chaque fois que cette question est abordée je me remémore les conclusions d'une étude (voir ref. ci-dessous) sur la rivière Avon au Royaume-Uni. Celle-ci a conclu que les sujets issus de pisciculture fréquentaient sélectivement les frayères dans la rivière Avon tandis que les sujets sauvages choisissaient le ruisseau affluent, Nine Mile River, pour se reproduire. Fait étonnant: une répartition temporelle est observée entre les sujets issus de pisciculture qui se reproduisent en novembre et les sujets sauvages qui frayent plus tard en janvier voire février.
L'analogie avec la Lesse est hasardeuse car la rivière Avon est du type "chalkstream", alimentée essentiellement par des sources calcaires, avec une eau à pH élevé et des débits plus lents.
La population sauvage issue de nos ruisseaux est probablement toujours affaiblie et en cours de reconstitution. Les alevins produits par nos incubateurs sont-ils devenus des sujets "sauvages" et reviendront-ils se reproduire dans nos ruisseaux ou resteront-ils dans la rivière pour frayer comme les truites issues de repeuplement observées dans l'Avon?
Nous interromprons après cette année nos campagnes d'alevinage dans le ruisseau de Village et de Nanri. Nous pourrons ensuite compter sur quatre ou cinq générations de truites "nées" dans le ruisseau pour restaurer la dynamique de reproduction. Si ce n'est pas le cas on pourra compter sur des sujets égarés ("straying effect") issus de la Lesse pour recoloniser ces ruisseaux à condition que les conditions et capacité d'accueil soient adéquates…
Aujourd'hui il pleut et la neige commence à fondre, un coup d'eau se prépare…
Aujourd'hui il pleut et la neige commence à fondre, un coup d'eau se prépare…
Ref.: B. A. Shileds, D. N. Stubbing, D. W. Summers and N. Giles; Fisheries management and Ecology, 2005, 12, 77-79.
Temporal and spatial segregation of spawning by wild and farm-reared brown trout, Salmo trutta L., in the river Avon, Wiltshire, UK.